La révolution de la résilience

Comment de petits investissements peuvent générer de grandes transformations

Les rivières débordent, engloutissant maisons et champs. Les cyclones ravagent les côtes, arrachant les murs des salles de classe. Des montagnes entières s'embrasent sous une chaleur incessante, obligeant les familles à fuir avec le peu qu'elles peuvent emporter.

Ce que nous appelons « catastrophes » n’est que rarement imputable à la nature. Elles sont le résultat de choix : où construire, comment cultiver, dans quels domaines investir ? Et ces choix intensifient souvent l’impact des catastrophes naturelles, événements désormais accentués par le changement climatique.

D'ici 2030,
le monde devrait être confronté chaque année à
560 désastres,
soit plus d'un par jour.

Les pertes sont d’ores et déjà colossales : plus de 200 milliards de dollars par an de dommages directs dont le coût total dépasse 2 300 milliards de dollars si l'on inclut les impacts indirects et écosystémiques.

Ces chiffres s'accompagnent d'un lourd tribut humain : familles déplacées, moyens de subsistance perdus, avenir des jeunes et des enfants compromis, développement humain pénalisé.

Pourtant, dans certains pays, moins de 1 % des budgets publics sont consacrés à la réduction des risques de catastrophe, tandis que les investissements dans le logement, les infrastructures et les entreprises continuent d'être réalisés sans tenir compte des risques de catastrophe.

C’est à nous de choisir :

investir dans la résilience ou continuer à financer les sinistres.

Mieux vaut prévenir que guérir

Une catastrophe peut anéantir des décennies de progrès du jour au lendemain. Mais la résilience est largement récompensée.

$1 consacré à la prévention des catastrophes permet d'économiser jusqu'à $15 pour la reconstruction.

En cas de catastrophe, les systèmes d'alerte précoce peuvent réduire les pertes de 30 %
Les systèmes d'alerte précoce permettent d'anticiper les dangers, donnant ainsi aux populations un temps précieux pour réagir.
Ils constituent des outils essentiels pour renforcer la résilience et protéger les vies humaines.
Les systèmes d'alerte précoce contribuent à réduire les pertes humaines, à minimiser les pertes économiques et à protéger les infrastructures.

Le Bangladesh en témoigne : le nombre de vies perdues a diminué — de 300 000 lors du cyclone Bhola en 1970 à 20 lors du cyclone Amphan en 2020 — grâce aux digues côtières, à la restauration des mangroves, à la construction d'abris à proximité des villages les plus vulnérables et aux réseaux de préparation dirigés par des femmes. Pendant des années, les cyclones n'ont apporté que tragédies et destruction ; aujourd'hui, ces mêmes aléas illustrent les progrès réalisés en matière d'adaptation.

En République de Moldova, les communautés riveraines des rivières Nistru et Prut se préparaient autrefois chaque année à des inondations qui les isolaient pendant des semaines. Aujourd'hui, des digues modernes, des réservoirs et des zones humides restaurées protègent 65 000 personnes, tandis que les systèmes d'alerte précoce offrent aux familles de précieuses heures pour se mettre en sécurité. En limitant les perturbations annuelles de l’économie locale, ces préparatifs offrent des opportunités plus durables de croissance et de prospérité.

La résilience ne se contente pas de réduire les pertes. Elle multiplie l'espoir.

La préparation devient un instinct

L'océan se retire. Silence. Puis l'eau s’engouffre en rugissant.

Ce moment a marqué trop de vies sur les côtes asiatiques. Mais aujourd'hui, des enfants samoans enfilent des casques de réalité virtuelle et se retrouvent soudain immergés, parcourant les rues inondées de leurs villages. Ils apprennent à courir en montée, à se déplacer vite et à prendre les décisions instinctives qui sauvent des vies lorsque chaque seconde est vitale.

En Indonésie, les écoles utilisent une application mobile appelée STEP-A pour évaluer leur état de préparation aux tsunamis. Les données permettent aux autorités de voir, en temps réel, quelles écoles sont préparées et lesquelles ne le sont pas. Enseignants et responsables ne planifient plus dans l'ignorance ; ils se préparent avec précision.

220 000

Enseignants, élèves et responsables

800

Écoles

24

Pays

Depuis 2017, plus de 220 000 enseignants, élèves et responsables de 800 écoles réparties dans 24 pays ont réalisé des exercices d'évacuation.

La préparation devient une seconde nature. L'instinct, une fois exercé, ne vous quitte jamais.

S'adapter aux nouveaux risques

Dans les basses terres arides d'Eswatini, Fundile Tembe, agricultrice de seulement 23 ans, dépendait autrefois d'une seule culture fragile. Aujourd'hui, grâce à des semences résistantes au climat, à l'irrigation goutte à goutte et à l'accès numérique aux marchés, elle a diversifié ses cultures. Ainsi, même en cas de mauvaise récolte, elle peut continuer à générer des revenus grâce à ses autres activités agricoles.

Je produisais uniquement du poivron vert, mais avec le système d'irrigation goutte à goutte, je produis également des légumineuses et des courges butternut.
Fundile Tembe, 23 ans, agricultrice

Partout dans le Pacifique, agriculteurs et pêcheurs se sentent en sécurité en ce qui concerne leurs moyens de subsistance grâce à des modèles d'assurance innovants, qui déclenchent automatiquement des indemnités lorsque la pluviométrie est inférieure à un niveau prédéfini. Plus besoin d'attendre les déclarations de sinistre. Plus besoin de s'endetter.

Il en va de même pour les gouvernements, pour qui le risque n'est plus synonyme de ruine. Le Mécanisme d'assurance contre les risques de catastrophes dans les Caraïbes a versé 78 indemnités totalisant plus de 390 millions de dollars à 22 de ses États membres, comblant ainsi le fossé entre la catastrophe et la reconstruction.

En Amazonie équatorienne, plus de 70 000 producteurs de café transforment paysages et moyens de subsistance en associant leurs récoltes à la protection des forêts, préservant ainsi des écosystèmes vitaux tout en sécurisant leurs revenus. Cette initiative démontre comment l'utilisation durable des terres constitue une solution naturelle efficace face aux défis climatiques et environnementaux croissants, renforçant les défenses naturelles contre les aléas tels que les inondations et les glissements de terrain.

Une catastrophe n'est jamais l’ultime chapitre. Celui qui va suivre est celui de la résilience, écrit par des communautés qui se renforcent mutuellement.

En Équateur, le « café libre de déforestation » vise à préserver les forêts qui constituent une défense naturelle contre les risques tels que les inondations et les glissements de terrain.

Photo : ProAmazonía

Renforcer la résilience dans les contextes fragiles

Nulle part ailleurs une catastrophe naturelle n'est plus dangereuse que là où un conflit détériore déjà le tissu social. Inondations, sécheresses et tremblements de terre peuvent attiser les tensions liées à la terre, à l'eau ou à la nourriture, tout comme l'insécurité complique la préparation et le rétablissement des communautés.

Le meilleur chemin à suivre consiste à renforcer la résilience, qui non seulement sauve des vies, mais consolide également les fondements de la paix.

En Somalie, la sécheresse a autrefois poussé agriculteurs et éleveurs à entrer en conflit au sujet du rétrécissement des points d'eau. La construction de barrages en terre et de réservoirs de stockage, gérés par les communautés elles-mêmes, a permis d'assurer l'approvisionnement en eau de plus de 50 000 foyers. Ce qui était autrefois un foyer de violence est aujourd'hui une ressource partagée qui rassemble les populations.

La situation a complètement changé… Notre bétail s'est complètement remis de la sécheresse et nous pouvons rembourser nos lourdes dettes.
Mawlid Mohamed, éleveur

La construction de barrages en terre et de réservoirs de stockage a amélioré l'accès à l'eau dans la région du Puntland, en Somalie, sujette à la sécheresse.

Photo : PNUD

Lorsque le barrage de Kakhovka en Ukraine a été détruit en pleine guerre, les inondations ont submergé des villages dans quatre oblasts. Plus de 100 000 personnes ont perdu l'accès à l'eau potable. Des unités de filtration mobiles équipées de panneaux solaires ont été déployées pour rétablir l'accès à l'eau potable, même en cas de panne de courant. En pleine crise, une technologie indépendante des réseaux électriques constamment attaqués était synonyme de survie.

Lorsque la résilience s'enracine dans des contextes fragiles, elle sème également les graines du relèvement et de la préparation à l'avenir.

Des villes qui construisent pour l'avenir

Les zones urbaines abritent plus de la moitié de la population mondiale et génèrent plus de 80 % du PIB mondial. Pourtant, si nous n'agissons pas, d'ici 2030, l'impact des catastrophes pourrait coûter aux villes trois fois plus cher qu'aujourd'hui.

La résilience urbaine ne se résume pas à des murs et des canalisations. Il s'agit de repenser les villes afin que chaque investissement — ​​dans le logement, les écoles, les transports — soit renforcé contre les tempêtes de demain.

En Géorgie, les inondations meurtrières qui ont ravagé Tbilissi en 2015 ont marqué un tournant. Dans les 11 bassins fluviaux du pays, un nouvel effort de résilience protège désormais 1,7 million de personnes. Des systèmes d'alerte précoce, des réseaux hydrométéorologiques modernes et des cartes des risques par satellite guident les décisions concernant les endroits de construction et d'évacuation en cas d'urgence. Les berges sont restaurées et les plaines inondables sont réenvisagées en tant que défenses naturelles, tandis que les villes intègrent la réduction des risques à leur planification quotidienne. L’objectif est ambitieux : réduire de 90 % les pertes futures liées au climat et garantir que la prochaine tempête laisse moins de cicatrices que la précédente.

Dans les villes côtières d'Afrique de l'Ouest, des maisons résilientes sont construites grâce à des techniques de voûte nubienne revisitées, qui rafraîchissent l'intérieur en réduisant la température de 7 °C par rapport aux toitures métalliques. Plus de 7 000 maisons abritant près de 12 000 personnes ont été construites au Burkina Faso, au Mali, au Sénégal, en Mauritanie, au Ghana et au Bénin. Ces structures illustrent comment les savoirs traditionnels peuvent renforcer la résilience urbaine.

S'inspirant de techniques de construction ancestrales, l'Association la Voûte Nubienne développe des logements résistants au climat en Afrique de l'Ouest.

Photo : Cosmos / Christian Lamontagne

Autonomiser les femmes et les jeunes

Les femmes et les jeunes sont souvent parmi les plus durement touchés par les catastrophes. Pourtant, là où les risques sont les plus élevés, leurs initiatives sont souvent les plus brillantes. Lorsqu'ils disposent des outils et de l'espace nécessaires pour diriger, ils font plus que survivre aux catastrophes : ils redéfinissent la façon dont les communautés se préparent, réagissent et reconstruisent.

Au Soudan, des coopératives agricoles dirigées par des femmes renforcent la sécurité alimentaire grâce à des semences résistantes à la sécheresse, à la conservation de l'eau et à des compétences en gestion financière, permettant ainsi aux exploitations agricoles de subsister malgré les pluies insuffisantes.

Ma ferme est florissante. Si la récolte est bonne cette saison, j'espère gagner suffisamment d’argent pour acheter une charrette, ce qui facilitera la gestion de l'exploitation.
Aisha Ismail Mohamed, agricultrice

Au Yémen, des jeunes réhabilitent des terrasses, réparent des routes rurales et créent des associations d'usagers de l'eau qui régulent équitablement les ressources en eau rares. Ils réduisent ainsi les risques de catastrophe, même si le conflit fait rage autour d'eux.

Lorsque les femmes et les jeunes prennent les rênes, la vulnérabilité cède la place à la vitalité.

Un avenir plus sûr est possible

Dans un monde aux prises avec le changement climatique, les conflits et l'insécurité, le risque de catastrophes continuera d'augmenter. 

La question n'est pas de savoir si nous réagirons, mais comment

Chaque investissement dans la résilience est une affirmation : nous refusons de nous laisser définir par les catastrophes. Nous protégerons nos communautés, nos enfants et notre avenir. Nous apprendrons, nous nous adapterons et nous en sortirons plus forts qu’auparavant.

Les catastrophes peuvent nous mettre à l'épreuve. Elles peuvent remettre en question nos lacunes.
Mais lorsque la résilience s'exprime, l'avenir parle plus fort.

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